Low - review of Trust
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Album Reviews

Low, Trust [Rough Trade]

from Matamore, 14 October 2002

Le problème avec Low, c’est qu’on ne peut décemment pas leur demander d’écrire éternellement le même album, de revisiter indéfiniment ces mêmes eaux merveilleuses qui avaient fait la réussite des premiers temps, sous peine de voir bientôt le lac idyllique se transformer en marécage fétide d’eaux stagnantes hantées par les fantômes de ces chansons-perles toujours imitées, jamais égalées… Et oui, à l’époque des manipulations génétiques, de l’invasion des gsm, et tout le tralala, les choses évoluent, et il faut l’accepter, même si on aimerait pouvoir encore un peu rester au coin du feu, dans notre petite cabane préhistorique là-bas, tout au fond des bois, et faire comme si la civilisation n’avait jamais été autre chose qu’un mauvais rêve. Seulement voilà, comme le gueulaient avec hargne les voix masculines de Rodan : « everything changes », Low y compris.

Déjà en 1995, avec « The curtain hits the cast », troisième album merveilleux mais discuté, certains avaient vu une impasse dont le groupe aurait du mal à sortir. On les imaginait tourner en rond, encore et encore, ressassant les mêmes rengaines jusqu’à l’épuisement. D’où : virage –petit virage- d’une dizaine de degrés, et « Secret name », voyait le jour, première collaboration avec Steve Albini qui, en plus de son savoir-faire, apporta ce petit vent nouveau nécessaire à l’élaboration de cet autre son adopté bientôt par Low.

Mais voilà advenir un autre problème : quand les six mains et trois visages de Low « innovent », ou du moins ; marquent leur évolution, même si en général ils sont toujours parvenus à étoffer sans jamais étouffer, ne perdent-ils pas aussi en émotion ? C’est une question que je me pose...Et c’est, selon moi, en partie pour cette raison qu’on appréciera « Secret name » sans réellement le retenir, à l’image du e.p brumeux et minimaliste « Songs for a dead pilote », surprenant et magnifique d’expérimentation, osé mais un brin trop hermétique pour qu’on s’y attache vraiment. « Born by the wires », par exemple, chanson qui se terminait sur le même accord répété des milliards de fois à la vitesse sonique d’un mouvement de la main toutes les douze secondes, reste un mystère toujours impossible à percer. Mais « Trust » ne va pas si loin…

La première écoute de ce nouvel album est difficile ; déstabilisé, on se paume car la route à suivre n’est pas très claire. Le petit museau discret de la déception pointe son nez mais il faut insister. Qu’est-ce qui ne va pas ? Et petit à petit, la réponse se dessine dans le mou de l’air : même si « Trust » est fort diversifié (jamais album de Low n’a été aussi varié en fait), on voit les chansons doucement glisser et prendre deux directions différentes. Voilà pourquoi l’album fait hésiter, voilà pourquoi les mots pour le décrire ne jaillissent pas instantanément (l’ont-ils jamais fait d’ailleurs ?). Car si, d’une part, les membres de Low semblent vouloir expérimenter de nouvelles choses tout en renouant avec la lenteur et noirceur du début, ils semblent également faire un pas de côté en cherchant à s’acoquiner avec cette simplicité un peu enfantine qu’on leur prêtait autrefois. Seulement ici, à l’écoute de morceaux tels que « La la song » ou « Last storm of the year », on se surprend à s’interroger sur la différence qu’il existe entre simplicité et facilité. Mais « Canada »,premier single de l’album- et pas pour rien -, est sans doute le meilleur exemple, avec sa disto rentre-dedans et son faux-air grungy . Exemple à ne plus suivre…

Pas exactement dans la continuation de « Things we lost in the fire », mais pas totalement libéré de la petite place au chaud que ce cinquième album avait pris la peine d’aménager, « Trust » se voit abandonné par les petits bidouillages typiques de Steve Albini, et accueille les mains expertes de Tchad Blake (Lisa germano, Pearl Jam,…). Les cordes, subitement disparues, laissent place à de très discrets confrères : quelques pincements de banjo sur « In the drugs », le souffle d’un accordéon, le léger grondement d’un trombone,…Les mots chantés sont, comme à l’habitude, énigmatiques et peu bavards. Les voix se multiplient jusqu’à devenir chœur gospel et résonnent dans un espace de plus en plus ample et vaste. Et oui, « Trust » ouvre l’espace et perd en intimité, prend le temps de se mettre en place, puis s’étire, comme un chat, dans le sens de la longueur. Mais pas de panique, la longueur chez Low, on connaît !

Il ne reste plus qu’à pointer les zones de lumière flagrantes, celles qui nourrissent l’âme et le corps de l’auditeur, celles qui sont comme les sommets fabuleux pour lesquels on accepte de traverser n’importe quelle plaine stérile, car, après tout, « Trust » a beau avoir ses défauts, hésiter quant à la route – présente et future – à suivre, il reste néanmoins cette hostie ronde qui fera trembler par moment, ces quelques chansons hantées et obsédantes collées sur toutes les parois du cerveau, ces ambiances noires (on ne dira jamais gothiques) qui rampent sous nos yeux, vers nos pieds, prêtes à tout moment à les attraper et les tirer vers elles, mais on peut bien s’écrouler par terre ; sur le dos, sur le sol, on tremble aussi. « The lamb », petit chef-d’œuvre sur lequel la voix d’Alan Sparhawk s’est bizarrement cassée, construit des villes fantômes où les ombres se livrent à d’étranges duels, « John Prine » écoute le vent faire crisser des palissades de bois. « Point of disgust », deuxième morceau où Mimi Parker assure les vocalises, est touchant et tout en finesse ; quelques notes perdues comme les yeux se perdent dans le vide, « That’s how you sing amazing grace » fait résonner sa basse comme dans les meilleurs titres du groupe alors que, pour le clin d’œil, on détourne joyeusement

(façon de parler), les paroles du grand classique. Enfin, « Shots and ladders », et ses petits samples de voix tordues, gagnent des dimensions de mini-symphonie et clôture l’album en beauté. Plus qu’en beauté même ; allons-y ! et parlons carrément d’extase.

Quant au titre de l’album, il peut paraître creux et rébarbatif, mais ceux qui ont appris à lire la langue de Low devraient savoir qu’un mot simple est d’autant plus touchant qu’on lui donne une signification réelle, parfaitement sincère, à l’instar de ces petits mots indispensables qu’on trouvait rangés l’un en dessous de l’autre sur le dos des pochettes de « I could live in hope » ou encore de « Long division » comme « word », « violence », « fear », « down ». Donc, quand Low dit : « confiance », ils pensent : « confiance », et, ce pourrait-il qu’à ces mots, qu’à CE mot, Low, délicatement, se retourne vers nous, interrogateur, leurs yeux dans nos yeux de misérables oreilles sur pattes : consentons-nous à lâcher un peu de notre méfiance et à leur accorder quelques grammes de notre précieuse confiance ? Impossible de les laisser tomber, du coup !

- Valérie

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